Francois Duval n'a jamais préféré les millions de Citroën à un contrat longue durée Ford
Stéphane Prévot a formellement rétabli la vérité sur cet épisode dans sa biographie "Sans détour". Malcolm Wilson est venu avec sa proposition de contrat de quatre ans en tant que premier pilote trop tard...
- Publié le 06-04-2020 à 10h40
- Mis à jour le 07-04-2020 à 11h38
Stéphane Prévot a formellement rétabli la vérité sur cet épisode dans sa biographie "Sans détour". Malcolm Wilson est venu avec sa proposition de contrat de quatre ans en tant que premier pilote trop tard...
Quelques légendes circulent autour de la carrière, hélas écourtée, de François Duval en Mondial. Sur les nombreuses fautes commises, en spéciales mais aussi en dehors, tout au long de son parcours. Équipier de celui qu'il surnomme aujourd'hui ironiquement le prodige durant deux ans et demi, Stéphane Prévot n'a pas épargné le pilote de Cul-des-Sarts dans sa biographie signée par notre confrère Dominique Dricot, un livre que l'on vous recommande vivement en cette période de confinement. Mais, entre deux anecdotes succulentes (celles du champagne en Catalogne et du débriefing en Suède valent de l'or), il a aussi rétabli quelques vérités plaidant en faveur de "Dudu".
Tout d'abord, concernant son indéniable talent. En Suède, Xavier Mestelan, ingénieur français en charge du développement technique de la Xsara WRC est monté pour la première fois à côté de notre compatriote lors des tests du Rallye de Suède 2005. Comme il l'avait déjà fait à diverses reprises avec Sébastien Loeb: "Il est revenu complètement estomaqué," raconte Stéphane Prévot. "Il n'en revient pas de la vitesse et de l'adresse de François sur ce sol glissant."Jamais je n'ai été aussi vite avec Loeb," clame l'ingé en descendant de la voiture. "C'est hallucinant ce qu'il fait au volant."
Il y a eu pas mal de choses écrites sur les raisons qui ont poussé François à quitter Ford pour rejoindre Citroën. L'erreur qui a précipité la fin de sa carrière selon pas mal d'observateurs. Mais beaucoup étaient fausses. Il a souvent été raconté qu'il s'agissait d'une histoire d'argent, que Duval s'était laissé influencer par l'appât du gain et la perspective de gagner beaucoup plus d'argent chez les Français. Ou alors que la faute incombait à son manager, Michel Lizin, qui avait poussé dans le sens du Double Chevron pour gagner plus (il touchait un pourcentage du salaire négocié pour François). Dans la tête de certains, c'est son manager qui a ruiné la carrière de François en refusant un contrat long terme chez Ford où il était très bien considéré et Malcolm Wilson croyait en lui (saviez vous, ce n'est pas une révélation de Prévot, que le chef d'équipe gallois a personnellement investi dans les carrières de Thierry Neuville et Ott Tanak?). L'équipier hutois a tordu le cou à ces mauvaises rumeurs et rétabli la vérité dans son bouquin.
"Au Japon 2004, Malcolm Wilson a reçu un message de Ford annonçant leur retrait du WRC 2005," explique Stéphane Prévot. "Immédiatement après le rallye, il appelle Michel Lizin et lui annonce qu'en 2005 il lui sera très difficile de conserver Duval. Même avec l'aide d'un sponsor, il n'aura pas les moyens de le payer. Wilson propose donc au manager de chercher un volant pour François ailleurs."
Des contacts sont dès lors établis avec Citroën qui propose à Duval un très bon contrat d'un an (2005) car PSA a annoncé le retrait du Mondial de PSA en 2006 (Citroën poursuivra en 2006 sous la bannière privée de Kronos avant de revenir officiellement en 2007 avec la C4). Le pilote de Cul-des-Sarts n'a pas peur de prendre la place laissée vacante par son idole Carlos Sainz et d'affronter Loeb à armes égales. Il s'empresse donc de signer ce contrat en octobre, juste avant le Tour de Corse. Mais il doit se taire.
Quelques semaines plus tard, au Rallye de Catalogne, Malcolm Wilson revient toutefois vers François. La situation a changé. Il a si bien argumenté auprès des décideurs de Ford qu'ils ont changé d'avis et confirmé leur soutien jusqu'en 2008. "Le chef gallois sait qu'il a déjà perdu Martin parti chez Peugeot, mais revient à la charge auprès de François en lui proposant un contrat de 1er pilote pour quatre ans et la garantie de l'arrivée d'une nouvelle Focus en 2006," révèle Prévot. "C'est fort tentant, mais on ne peut pas y prêter attention tout simplement car on a déjà apposé nos paraphes au bas du contrat Citroën. Il est grand temps de rétablir la vérité. Duval n'avait pas d'autre choix que d'accepter la proposition de Fréquelin pour une question de timing. A ce moment, le programme de Ford s'arrêtait. C'est d'ailleurs Malcolm Wilson qui lui a conseillé de tenter sa chance ailleurs. Il est évident que si nous n'avions pas signé chez Citroën, nous aurions réfléchi et analysé en détail l'offre de Ford. Ce que j'en retiens c'est qu'on a tous été baisés dans cette histoire: Duval, Lizin, et moi. Et dans une certaine mesure Wilson aussi."
On serait tenté d'ajouter le nom de Guy Fréquelin aussi...
"Et le patron de M-Sport de râler. Il tire tellement la gueule en Catalogne qu'il ne veut pas nous laisser repartir en Super Rallye après un problème de suspension. Il va trouver Lizin et lui dit: "Si François signe, il repart. S'il ne signe pas, il abandonne."
"En Australie, dernière course de la saison, François clôture sa collaboration avec M-Sport sur le podium. Tout le monde est content sauf Malcolm qui ne nous serre même pas la main..."
Voilà peut-être encore la carrière d'un pilote belge qui a mal tourné en raison, en partie, d'un mauvais timing. Quelle aurait été la carrière de Duval s'il était resté chez Ford durant quatre ans de plus? On ne le saura jamais. Comme on ne saura jamais ce que serait devenue la carrière de Stoffel Vandoorne s'il avait débarqué un an plus tard chez McLaren... C'est le destin parfois qui décide du futur des hommes.